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ne puis manquer de heurter des sentiments que je respecte ; mais je demande aux chrétiens de me permettre de dire mon opinion.

Ce sera probablement le sujet d’un débat éternel, entre l’esprit philosophique et l’esprit religieux, de savoir si un acte est vicieux parce qu’une révélation venue d’en haut l’a déclaré tel, indépendamment de ses conséquences, — ou bien si cette révélation l’a déclaré vicieux parce qu’il produit des conséquences mauvaises.

Je crois que le christianisme peut se ranger à cette dernière opinion. Il dit lui-même qu’il n’est pas venu contrarier la loi naturelle, mais la renforcer. On ne peut guère admettre que Dieu, qui est l’ordre suprême, ait fait une classification arbitraire des actes humains, ait promis le châtiment aux uns et les récompenses aux autres, et cela sans aucune considération de leurs effets, c’est-à-dire de leur discordance ou de leur concordance dans l’harmonie universelle.

Quand il a dit : « Tu ne tueras point, — Tu ne déroberas point, » sans doute il avait en vue d’interdire certains actes parce qu’ils nuisent à l’homme et à la société, qui sont son ouvrage.

La considération des conséquences est si puissante sur l’homme, que, s’il appartenait à une religion qui défendît des actes dont l’expérience universelle révélerait l’utilité, ou qui ordonnât des habitudes dont la nuisibilité serait palpable, je crois que cette religion à la longue ne pourrait se soutenir et succomberait devant le progrès des lumières. Les hommes ne pourraient longtemps supposer en Dieu le dessein prémédité de faire le mal et d’interdire le bien.

La question que j’effleure ici n’a peut-être pas une grande importance à l’égard du christianisme, puisqu’il n’ordonne que ce qui est bien en soi et ne défend que ce qui est mauvais.

Mais ce que j’examine, c’est la question de savoir si, en