II
BESOINS, EFFORTS, SATISFACTIONS[1]
Quel spectacle profondément affligeant nous offre la France !
Il serait difficile de dire si l’anarchie a passé des idées aux faits ou des faits aux idées, mais il est certain qu’elle a tout envahi.
Le pauvre s’élève contre le riche ; le prolétariat contre la propriété ; le peuple contre la bourgeoisie ; le travail contre le capital ; l’agriculture contre l’industrie ; la campagne contre la ville ; la province contre la capitale ; le régnicole contre l’étranger.
Et les théoriciens surviennent, qui font un système de cet antagonisme. « Il est, disent-ils, le résultat fatal de la nature des choses, c’est-à-dire de la liberté. L’homme s’aime lui-même, et voilà d’où vient tout le mal, car puisqu’il s’aime, il tend vers son propre bien-être, et il ne le peut trouver que dans le malheur de ses frères. Empêchons donc qu’il n’obéisse à ses tendances ; étouffons sa liberté ; changeons le cœur humain ; substituons un autre mobile à celui que Dieu y a placé ; inventons et dirigeons une société artificielle ! »
- ↑ Ce chapitre et le suivant furent insérés en septembre et décembre 1848 dans le Journal des Économistes. (Note de l’éditeur.)