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simplement que Malthus se trompe et que sa prétendue loi n’en est pas une.

La population, il faut bien le dire, est un de ces sujets, fort nombreux du reste, qui nous rappellent que l’homme n’a guère que le choix des maux. Quelle qu’ait été l’intention de Dieu, la souffrance est entrée dans son plan. Ne cherchons pas l’harmonie dans l’absence du mal, mais dans son action pour nous ramener au bien et se restreindre lui-même progressivement. Dieu nous a donné le libre arbitre. Il faut que nous apprenions, — ce qui est long et difficile, — et puis que nous agissions en conformité des lumières acquises, ce qui n’est guère plus aisé. À cette condition, nous nous affranchirons progressivement de la souffrance, mais sans jamais y échapper tout à fait ; car même quand nous parviendrions à éloigner le châtiment d’une manière complète, nous aurions à subir d’autant plus l’effort pénible de la prévoyance. Plus nous nous délivrons du mal de la répression, plus nous nous soumettons à celui de la prévention.

Il ne sert à rien de se révolter contre cet ordre de choses ; il nous enveloppe, il est notre atmosphère. C’est en restant dans cette donnée de la misère et de la grandeur humaines, dont nous ne nous écarterons jamais, que nous allons, avec Malthus, aborder le problème de la population. Sur cette grande question, nous ne serons d’abord que simple rapporteur, en quelque sorte : ensuite nous dirons notre manière de voir. Si les lois de la population peuvent se résumer en un court aphorisme, ce sera certes une circonstance heureuse pour l’avancement et la diffusion de la science. Mais si, à raison du nombre et de la mobilité des données du problème, nous trouvons que ces lois répugnent à se laisser renfermer dans une formule brève et rigoureuse, nous saurons y renoncer. L’exactitude même prolixe est préférable à une trompeuse concision.