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tion qu’elles commencent à peine, je mets au premier rang, à cause de son importance sociale, la caisse de retraite des travailleurs.

Il y a des personnes qui traitent une telle institution de chimère. Ces personnes, sans doute, ont la prétention de savoir où sont, en fait de Stabilité, les bornes qu’il n’est pas permis à l’Humanité de franchir. Je leur adresserai ces simples questions : Si elles n’avaient jamais connu que l’état social des peuplades qui vivent de chasse ou de pêche, auraient-elles pu prévoir, je ne dis pas les revenus fonciers, les rentes sur l’État, les traitements fixes, mais même le Salariat, ce premier degré de fixité dans la condition des classes les plus pauvres  ? Et plus tard, si elles n’avaient jamais vu que le salariat, tel qu’il existe dans les pays où ne s’est pas encore montré l’esprit d’association, auraient-elles osé prédire les destinées réservées aux sociétés de secours mutuels, telles que nous venons de les voir fonctionner en Angleterre  ? Ou bien ont-elles quelque bonne raison de croire qu’il était plus facile aux classes laborieuses de s’élever d’abord au salariat, puis aux sociétés de secours, que de parvenir aux caisses de retraite  ? Ce troisième pas serait-il plus infranchissable que les deux autres  ?

Pour moi, je vois que l’Humanité a soif de stabilité ; je vois que, de siècle en siècle, elle ajoute à ses conquêtes incomplètes, au profit d’une classe ou d’une autre, par des procédés merveilleux, qui semblent bien au-dessus de toute invention individuelle, et je n’oserais certes pas dire où elle s’arrêtera dans cette voie.

Ce qu’il y a de positif, c’est que la Caisse de retraite est l’aspiration universelle, unanime, énergique, ardente de tous les ouvriers ; et c’est bien naturel.

Je les ai souvent interrogés, et j’ai toujours reconnu que la grande douleur de leur vie ce n’est ni le poids du travail, ni la modicité du salaire, ni même le sentiment d’ir-