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XII

LES DEUX DEVISES


Les modernes moralistes qui opposent l’axiome : Chacun pour tous, tous pour chacun, à l’antique proverbe  : Chacun pour soi, chacun chez soi, se font de la Société une idée bien incomplète, et, par cela seul, bien fausse ; j’ajouterais même, ce qui va les surprendre, bien triste.

Éliminons d’abord, de ces deux célèbres devises, ce qui surabonde. Tous pour chacun est un hors-d’œuvre, placé là par l’amour de l’antithèse, car il est forcément compris dans Chacun pour tous. Quant au chacun chez soi, c’est une pensée qui n’a pas de rapport direct avec les trois autres ; mais comme elle a une grande importance en économie politique, nous lui demanderons aussi plus tard ce qu’elle contient.

Reste la prétendue opposition entre ces deux membres de proverbes : Chacun pour tous, — chacun pour soi. L’un, dit-on, exprime le principe sympathique ; l’autre, le principe individualiste. Le premier unit, le second divise.

Si l’on veut parler seulement du mobile qui détermine l’effort, l’opposition est incontestable. Mais je soutiens qu’il n’en est pas de même, si l’on considère l’ensemble des efforts humains dans leurs résultats. Examinez la Société telle qu’elle est, obéissant en matière de services rémunérables au principe individualiste, et vous vous assurerez que cha-