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Est-ce que cela regarde nos pauvres vignerons, si les riches viveurs de Londres s’enivrent avec les vins de France ? Et peut-on plus sérieusement accuser les Anglais de récolter de l’opium dans l’Inde avec l’idée bien arrêtée d’empoisonner les Chinois ?

Non, un peuple futile provoque toujours des industries futiles, comme un peuple sérieux fait naître des industries sérieuses. Si l’humanité se perfectionne, ce n’est pas par la moralisation du producteur, mais par celle du consommateur.

C’est ce qu’a parfaitement compris la religion, quand elle a adressé au riche, — au grand consommateur, un sévère avertissement sur son immense responsabilité. D’un autre point de vue, et dans une autre langue, l’Économie politique formule la même conclusion. Elle affirme qu’on ne peut pas empêcher d’offrir ce qui est demandé ; que le produit n’est pour le producteur qu’une valeur, une sorte de numéraire qui ne représente pas plus le mal que le bien, tandis que, dans l’intention du consommateur, il est utilité, jouissance morale ou immorale ; que, par conséquent, il incombe à celui qui manifeste le désir et fait la demande d’en assumer les conséquences utiles ou funestes, et de répondre devant la justice de Dieu, comme devant l’opinion des hommes, de la direction bonne ou mauvaise qu’il a imprimée au travail.

Ainsi, à quelque point de vue qu’on se place, on voit que la consommation est la grande fin de l’économie politique ; que le bien et le mal, la moralité et l’immoralité, les harmonies et les discordances, tout vient se résoudre dans le consommateur, car il représente l’humanité.


V. au tome IV la note de la page 72. (Note de l’éditeur.)