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sions, etc. C’est que la demande répond au Désir, tandis que l’offre répond à l’Effort. — Le Désir est raisonnable ou déraisonnable, moral ou immoral. — L’Effort, qui n’est qu’un effet, est moralement neutre ou n’a qu’une moralité réfléchie.

La demande ou consommation dit au producteur : « Fais ceci pour moi. » Le producteur obéit à l’impulsion d’autrui. — Et cela serait évident pour tous, si toujours et partout le producteur attendait la demande.

Mais en fait les choses se passent différemment.

Que ce soit l’échange qui ait amené la division du travail, ou la division du travail qui ait déterminé l’échange, — c’est une question subtile et oiseuse. Disons que l’homme échange parce qu’étant intelligent et sociable, il comprend que c’est un moyen d’augmenter le rapport du résultat à l’effort. Ce qui résulte seulement de la division du travail et de la prévoyance, c’est qu’un homme n’attend pas la proposition de travailler pour autrui. L’expérience lui enseigne qu’elle est tacite dans les relations humaines et que la demande existe.

Il fait d’avance l’effort qui doit y satisfaire, et c’est ainsi que naissent les professions. D’avance on fabrique des souliers, des chapeaux ; on se prépare à bien chanter, à enseigner, à plaider, à guérir, etc. Mais est-ce réellement l’offre qui prévient ici la demande et la détermine ?

Non. — C’est parce qu’il y a certitude suffisante que ces différents services seront demandés qu’on s’y prépare, encore qu’on ne sache pas toujours précisément de qui viendra la demande. Et la preuve, c’est que le rapport entre ces différents services est assez connu, c’est que leur valeur est assez généralement expérimentée, pour qu’on se livre avec quelque sécurité à telle fabrication, pour qu’on embrasse telle ou telle carrière.

L’impulsion de la demande est donc préexistante, puis-