Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/405

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torche et de l’épée, remplit les annales du genre humain. Quels sont les noms qui résument l’histoire ? Cyrus, Sésostris, Alexandre, Scipion, César, Attila, Tamerlan, Mahomet, Pizarre, Guillaume le Conquérant ; c’est la Spoliation naïve par voie de conquêtes. À elle les lauriers, les monuments, les statues, les arcs de triomphe, le chant des poëtes, l’enivrant enthousiasme des femmes !

Bientôt le vainqueur s’avise qu’il y a un meilleur parti à tirer du vaincu que de le tuer, et l’Esclavage couvre la terre. Il a été, presque jusqu’à nos jours, sur toute la surface du globe, le mode d’existence des sociétés, semant après lui des haines, des résistances, des luttes intestines, des révolutions. Et l’Esclavage, qu’est-ce autre chose que l’oppression organisée dans un but de spoliation ?

Si la spoliation arme la Force contre la Faiblesse, elle ne tourne pas moins l’Intelligence contre la Crédulité. Quelles sont sur la terre les populations travailleuses qui aient échappé à l’exploitation des théocraties sacerdotales, prêtres égyptiens, oracles grecs, augures romains, druides gaulois, bramines indiens, muphtis, ulémas, bonzes, moines, ministres, jongleurs, sorciers, devins, spoliateurs de tous costumes et de toutes dénominations ? Sous cette forme, le génie de la spoliation place son point d’appui dans le ciel, et se prévaut de la sacrilége complicité de Dieu ! Il n’enchaîne pas seulement le bras, mais aussi les esprits. Il sait imprimer le fer de la servitude aussi bien sur la conscience de Séide que sur le front de Spartacus, réalisant ce qui semble irréalisable : l’Esclavage Mental.

Esclavage Mental ! quelle effrayante association de mots ! — Ô liberté ! On t’a vue traquée de contrée en contrée, écrasée par la conquête, agonisant sous l’esclavage, insultée dans les cours, chassée dans les écoles, raillée dans les salons, méconnue dans les ateliers, anathématisée dans les temples. Il semblait que tu devais trouver dans la pensée un refuge