Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/364

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qu’elle soulève, en dépit des déclamations dont on la poursuit, est la loi démocratique par essence. C’est la plus progressive, la plus égalitaire, la plus communautaire de toutes celles à qui la Providence a confié le progrès des sociétés humaines. C’est elle qui fait successivement tomber dans le domaine commun la jouissance des biens que la nature ne semblait avoir accordés gratuitement qu’à certaines contrées. C’est elle qui fait encore tomber dans le domaine commun toutes les conquêtes dont le génie de chaque siècle accroît le trésor des générations qui le suivent, ne laissant ainsi en présence que des travaux complémentaires s’échangeant entre eux, sans réussir, comme ils le voudraient, à se faire rétribuer pour le concours des agents naturels ; et si ces travaux, comme il arrive toujours à l’origine, ont une valeur qui ne soit pas proportionnelle à leur intensité, c’est encore la Concurrence qui, par son action inaperçue, mais incessante, ramène un équilibre sanctionné par la justice et plus exact que celui que tenterait vainement d’établir la sagacité faillible d’une magistrature humaine. Loin que la Concurrence, comme on l’en accuse, agisse dans le sens de l’inégalité, on peut affirmer que toute inégalité factice est imputable à son absence ; et si l’abîme est plus profond entre le grand lama et un paria qu’entre le président et un artisan des États-Unis, cela tient à ce que la Concurrence (ou la liberté), comprimée en Asie, ne l’est pas en Amérique. Et c’est pourquoi, pendant que les Socialistes voient dans la Concurrence la cause de tout mal, c’est dans les atteintes qu’elle reçoit qu’il faut chercher la cause perturbatrice de tout bien. Encore que cette grande loi ait été méconnue des Socialistes et de leurs adeptes, encore qu’elle soit souvent brutale dans ses procédés, il n’en est pas de plus féconde en harmonies sociales, de plus bienfaisante dans ses résultats généraux, il n’en est pas qui atteste d’une manière plus éclatante l’incommensurable supériorité des desseins de