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subsistances, et cela, à chaque moment donné de la vie de l’humanité. Or, les hommes ne peuvent être heureux et vivre en paix s’ils n’ont pas de quoi se nourrir. Il n’y a que deux obstacles à cet excédant toujours menaçant de population : la diminution des naissances, ou l’accroissement de la mortalité, dans toutes les horribles formes qui l’accompagnent et la réalisent. La contrainte morale, pour être efficace, devrait être universelle, et nul n’y compte. Il ne reste donc que l’obstacle répressif, le vice, la misère, la guerre, la peste, la famine et la mortalité, soit : Paupérisme inévitable.

Je ne mentionnerai pas d’autres systèmes d’une portée moins générale et qui aboutissent aussi à une désespérante impasse. Par exemple, M. de Tocqueville et beaucoup d’autres comme lui disent : Si l’on admet le droit de primogéniture, on arrive à l’aristocratie la plus concentrée ; si on ne l’admet pas, on arrive à la pulvérisation et à l’improductivité du territoire.

Et ce qu’il y a de remarquable, c’est que ces quatre désolants systèmes ne se heurtent nullement. S’ils se heurtaient, nous pourrions nous consoler en pensant qu’ils sont tous faux, puisqu’ils se détruisent l’un par l’autre. Mais non, ils concordent, ils font partie d’une même théorie générale, laquelle, appuyée de faits nombreux et spécieux, paraissant expliquer l’état convulsif de la société moderne et forte de l’assentiment de plusieurs maîtres de la science, se présente à l’esprit découragé et confondu, avec une autorité effrayante.

Il reste à comprendre comment les révélateurs de cette triste théorie ont pu poser comme principe l’harmonie des intérêts, et comme conclusion la Liberté.