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Je pourrais multiplier indéfiniment ces questions et proposer, par exemple, cette difficulté :

Si l’intérêt individuel est opposé à l’intérêt général, où placerez-vous le principe d’action de la Contrainte ? Où sera le point d’appui ? Sera-ce en dehors de l’humanité ? Il le faudrait pour échapper aux conséquences de votre loi. Car, si vous confiez l’arbitraire à des hommes, prouvez donc que ces hommes sont pétris d’un autre limon que nous ; qu’ils ne seront pas mus aussi par le fatal principe de l’intérêt, et que, placés dans une situation qui exclut l’idée de tout frein, de toute résistance efficace, leur esprit sera exempt d’erreurs, leurs mains de rapacité et leur cœur de convoitise.

Ce qui sépare radicalement les diverses écoles socialistes (j’entends ici celles qui cherchent dans une organisation artificielle la solution du problème social) de l’École économiste, ce n’est pas telle ou telle vue de détail, telle ou telle combinaison gouvernementale ; c’est le point de départ, c’est cette question préliminaire et dominante : Les intérêts humains, laissés à eux-mêmes, sont-ils harmoniques ou antagoniques ?

Il est clair que les socialistes n’ont pu se mettre en quête d’une organisation artificielle que parce qu’ils ont jugé l’organisation naturelle mauvaise ou insuffisante ; et ils n’ont jugé celle-ci insuffisante et mauvaise que parce qu’ils ont cru voir dans les intérêts un antagonisme radical, car sans cela ils n’auraient pas eu recours à la Contrainte. Il n’est pas nécessaire de contraindre à l’harmonie ce qui est harmonique de soi.

Aussi ils ont vu l’antagonisme partout :

Entre le propriétaire et le prolétaire,

Entre le capital et le travail,