Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 6.djvu/132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai établi ces deux propositions :

Dans l’isolement, nos besoins surpassent nos facultés.

Par l’échange, nos facultés surpassent nos besoins.

Elles donnent la raison de la société. En voici deux autres qui garantissent son perfectionnement indéfini :

Dans l’isolement, les prospérités se nuisent.

Par l’échange, les prospérités s’entr’aident.

Est-il besoin de prouver que, si la nature eût destiné les hommes à la vie solitaire, la prospérité de l’un ferait obstacle à la prospérité de l’autre ? Plus ils seraient nombreux, moins ils auraient de chances de bien-être. En tous cas, on voit clairement en quoi leur nombre pourrait nuire, on ne comprend pas comment il pourrait profiter. Et puis je demande sous quelle forme se manifesterait le principe sympathique ? À quelle occasion prendrait-il naissance ? Pourrions-nous même le concevoir ?

Mais les hommes échangent. L’échange, nous l’avons vu, implique la séparation des occupations. Il donne naissance aux professions, aux métiers. Chacun s’attache à vaincre un genre d’obstacles au profit de la Communauté. Chacun se consacre à lui rendre un genre de services. Or une analyse complète de la valeur démontre que chaque service vaut d’abord en raison de son utilité intrinsèque, ensuite en raison de ce qu’il est offert dans un milieu plus riche, c’est-à-dire au sein d’une communauté plus disposée à le demander, plus en mesure de le payer. L’expérience, en nous montrant l’artisan, le médecin, l’avocat, le négociant, le voiturier, le professeur, le savant tirer pour eux-mêmes un meilleur parti de leurs services à Paris, à Londres, à New-York que dans les landes de Gascogne, ou dans les montagnes du pays de Galles, ou dans les prairies du Far West, l’expérience, dis-je, ne nous confirme-t-elle pas cette vérité : L’homme a d’autant plus de chances de prospérer qu’il est dans un milieu plus prospère ?