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a cultivé et dont il ne mangera jamais, donne son superflu ? — je vois bien dans cet axiome comment deux hommes s’arrangent accidentellement ; mais je n’y vois pas l’explication du progrès.

L’observation nous donnera de la puissance de l’échange une explication plus satisfaisante.

L’échange a deux manifestations : Union des forces, séparation des occupations.

Il est bien clair qu’en beaucoup de cas la force unie de plusieurs hommes est supérieure, du tout au tout, à la somme de leurs forces isolées. Qu’il s’agisse de déplacer un lourd fardeau. Où mille hommes pourraient successivement échouer, il est possible que quatre hommes réussissent en s’unissant. Essayez de vous figurer les choses qui ne se fussent jamais accomplies dans le monde sans cette union !

Et puis ce n’est rien encore que le concours vers un but commun de la force musculaire ; la nature nous a dotés de facultés physiques, morales, intellectuelles très-variées. Il y a dans la coopération de ces facultés des combinaisons inépuisables. Faut-il réaliser une œuvre utile, comme la construction d’une route ou la défense du pays ? L’un met au service de la communauté sa vigueur ; l’autre son agilité ; celui-ci, son audace ; celui-là, son expérience, sa prévoyance, son imagination et jusqu’à sa renommée. Il est aisé de comprendre que les mêmes hommes, agissant isolément, n’auraient pu ni atteindre ni même concevoir le même résultat.

Or union des forces implique Échange. Pour que les hommes consentent à coopérer, il faut bien qu’ils aient en perspective une participation à la satisfaction obtenue. Chacun fait profiter autrui de ses efforts et profite des efforts d’autrui dans des proportions convenues, ce qui est échange.