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lemment d’autres principes incontestables, puisse goûter un instant de calme et de repos d’esprit.

Pour moi, il me semble que, si j’avais pénétré dans la science par cette porte, si je n’apercevais pas clairement que Liberté, Utilité, Justice, Paix, sont choses non-seulement compatibles, mais étroitement liées entre elles, et pour ainsi dire identiques, je m’efforcerais d’oublier tout ce que j’ai appris ; je me dirais :

« Comment Dieu a-t-il pu vouloir que les hommes n’arrivent à la prospérité que par l’injustice et la guerre ? Comment a-t-il pu vouloir qu’ils ne renoncent à la guerre et à l’injustice qu’en renonçant à leur bien-être ?

« Ne me trompe-t-elle pas par de fausses lueurs, la science qui m’a conduit à l’horrible blasphème qu’implique cette alternative, et oserai-je prendre sur moi d’en faire la base de la législation d’un grand peuple ? Et lorsqu’une longue suite de savants illustres ont recueilli des résultats plus consolants de cette même science à laquelle ils ont consacré toute leur vie, lorsqu’ils affirment que la liberté et l’utilité s’y concilient avec la justice et la paix, que tous ces grands principes suivent, sans se heurter, et pendant l’éternité entière, des parallèles infinis, n’ont-ils pas pour eux la présomption qui résulte de tout ce que nous savons de la bonté et de la sagesse de Dieu, manifestées dans la sublime harmonie de la création matérielle ? Dois-je croire légèrement, contre une telle présomption et contre tant d’imposantes autorités, que ce même Dieu s’est plu à mettre l’antagonisme et la dissonance dans les lois du monde moral ? Non, non, avant de tenir pour certain que tous les principes sociaux se heurtent, se choquent, se neutralisent, et sont entre eux en un conflit anarchique, éternel, irrémédiable ; avant d’imposer à mes concitoyens le système impie auquel mes raisonnements m’ont conduit, je veux en repasser toute la chaîne, et m’assurer s’il