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interdire une action, l’échange, qui n’a en elle-même rien de contraire à la morale ; en un mot, c’est leur faire injustice.

Et cependant cela est nécessaire, dit-on, sous peine de porter un coup funeste à la prospérité publique.

Les écrivains de l’école protectioniste arrivent donc à cette triste conclusion, qu’il y a incompatibilité radicale entre la Justice et l’Utilité.


D’un autre côté, si chaque peuple est intéressé à vendre et à ne pas acheter, une action et une réaction violentes sont l’état naturel de leurs relations, car chacun cherchera à imposer ses produits à tous, et tous s’efforceront de repousser les produits de chacun.

Une vente, en effet, implique un achat, et puisque, selon cette doctrine, vendre c’est bénéficier, comme acheter c’est perdre, toute transaction internationale implique l’amélioration d’un peuple et la détérioration d’un autre.

Mais, d’une part, les hommes sont fatalement poussés vers ce qui leur profite ; de l’autre, ils résistent instinctivement à ce qui leur nuit : d’où il faut conclure que chaque peuple porte en lui-même une force naturelle d’expansion et une force non moins naturelle de résistance, lesquelles sont également nuisibles à tous les autres ; ou, en d’autres termes, que l’antagonisme et la guerre sont l’état naturel de la société humaine.

Ainsi, la théorie que je discute se résume en ces deux axiomes :

L’Utilité est incompatible avec la Justice au dedans.

L’Utilité est incompatible avec la Paix au dehors.

Eh bien ! ce qui m’étonne, ce qui me confond, c’est qu’un publiciste, un homme d’État, qui a sincèrement adhéré à une doctrine économique dont le principe heurte si vio-