Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 4.djvu/502

Cette page a été validée par deux contributeurs.

efforts seraient vains ; l’humanité serait fatalement poussée, comme le croyait Rousseau, vers une dégradation inévitable et progressive. Il faudrait dire, avec M. Thiers : L’antiquité est ce qu’il y a de plus beau au monde, ce qui n’est pas seulement une erreur, mais un blasphème. — Les intérêts des hommes, bien compris, sont harmoniques, et la lumière qui les leur fait comprendre brille d’un éclat toujours plus vif. Donc les efforts individuels et collectifs, l’expérience, les tâtonnements, les déceptions même, la concurrence, en un mot, la Liberté — font graviter les hommes vers cette Unité, qui est l’expression des lois de leur nature, et la réalisation du bien général.

Comment est-il arrivé que le parti libéral soit tombé dans cette étrange contradiction de méconnaître la liberté, la dignité, la perfectibilité de l’homme, et de leur préférer une Unité factice, stationnaire, dégradante, imposée tour à tour par tous les despotismes au profit des systèmes les plus divers ?

Il y a à cela plusieurs raisons : c’est d’abord qu’il a reçu, lui aussi, l’empreinte romaine de l’éducation classique. N’a-t-il pas pour meneurs des Bacheliers ? Ensuite, à travers les péripéties parlementaires, il espère bien voir tomber en ses mains cet instrument précieux, ce moule intellectuel, objet, selon M. Thiers, de toutes les ambitions. Enfin les nécessités de la défense contre l’injuste agression de l’Europe, en 92, n’ont pas peu contribué à populariser en France l’idée d’une puissante Unité.

Mais de tous les mobiles qui déterminent le libéralisme à sacrifier la liberté, le plus puissant est la crainte que lui inspirent, en matière d’éducation, les envahissements du clergé.

Cette crainte je ne la partage pas, mais je la comprends.

Considérez, dit le libéralisme, la situation du clergé en France, sa savante hiérarchie, sa forte discipline, sa milice