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l’inspirer des institutions singulières. Les lois de Crète étaient l’original de celles de Lacédémone ; et celles de Platon en étaient la correction.

Je prie qu’on fasse un peu d’attention à l’étendue de génie qu’il fallut à ces législateurs pour voir qu’en choquant tous les usages reçus, en confondant toutes les vertus, ils montreraient à l’univers leur sagesse. Lycurgue, mêlant le larcin avec l’esprit de justice, le plus dur esclavage avec l’extrême liberté, les sentiments les plus atroces avec la plus grande modération, donna de la stabilité à sa ville. Il sembla lui ôter toutes les ressources, les arts, le commerce, l’argent, les murailles ; on y a de l’ambition sans espérance d’être mieux ; on y a les sentiments naturels, et on n’y est ni enfant, ni mari, ni père ; la pudeur même est ôtée à la chasteté. C’est par ces chemins que Sparte est menée à la grandeur et à la gloire ; mais avec une telle infaillibilité de ses institutions, qu’on n’obtenait rien contre elle en gagnant des batailles, si on ne parvenait à lui ôter sa police.

(Esprit des Lois, livre IV, chap. viii.)

Ceux qui voudront faire des institutions pareilles établiront la communauté des biens de la république de Platon ; ce respect qu’il demandait pour les dieux, cette séparation d’avec les étrangers, pour la conservation des mœurs, et la cité faisant le commerce et non pas les citoyens ; ils donneront nos arts sans notre luxe, et nos besoins sans nos désirs.


Montesquieu explique en ces termes la grande influence que les anciens attribuaient à la musique.


…Je crois que je pourrais expliquer ceci : Il faut se mettre dans l’esprit que dans les villes grecques, surtout celles qui avaient pour principal objet la guerre, tous les travaux et toutes les professions qui pouvaient conduire à gagner de l’argent étaient regardés comme indignes d’un homme libre. « La plupart des arts, dit Xénophon, corrompent le corps de ceux qui les exercent ; ils obligent à s’asseoir à l’ombre ou près du feu : on n’a de temps ni pour ses amis ni pour la république. » Ce ne fut que dans la corruption de quelques démocraties que les artisans parvinrent à être citoyens. C’est ce qu’Aristote nous apprend ; et il soutient qu’une bonne république ne leur donnera jamais le droit de cité.

L’agriculture était encore une profession servile, et ordinairement c’était quelque peuple vaincu qui l’exerçait : les Ilotes, chez les Lacédémoniens ; les Périéciens chez les Crétois ; les Pénestes, chez les Thessaliens ; d’autres peuples esclaves, dans d’autres républiques.