Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/486

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giste à la face du monde, on est venu nous annoncer qu’il fallait augmenter nos armements. (Applaudissements.) Quelle est, je le demande, la cause de cette panique ? Probablement nous pourrons la trouver dans la lettre du duc de Wellington, dans les démarches particulières qu’il annonce avoir faites auprès du gouvernement, et dans sa correspondance avec lord John Russell. Nous pouvons l’attribuer au duc de Wellington, à sa lettre et à ses démarches particulières. Je ne professe pas, je l’avoue, l’admiration que quelques hommes éprouvent pour les guerriers heureux ; mais y a-t-il, je le demande, parmi les plus fervents admirateurs du duc, un homme doué des sentiments ordinaires d’humanité qui ne souhaitât que cette lettre n’eût jamais été écrite ni publiée ? (Mouvements d’attention et applaudissements.) Le duc a passé déjà presque les limites de l’existence humaine, et nous pouvons dire sans figure oratoire qu’il est penché sur le bord de la tombe. N’est-il pas lamentable (applaudissements), n’est-ce pas un spectacle lamentable que cette main, qui n’est plus capable de soutenir le poids d’une épée, emploie le peu qui lui reste de forces à écrire une lettre, — probablement la dernière que ce vieillard adressera à ses concitoyens, — une lettre destinée à susciter de mauvaises passions et des animosités dans les cœurs des deux grandes nations voisines ? (Applaudissements.) N’aurait-il pas mieux fait de prêcher le pardon et l’oubli du passé, que de raviver les souvenirs de Toulon, de Paris et de Waterloo, et de faire tout ce qu’il faut pour engager une nation courageuse à user enfin de représailles, et à se venger de ses désastres passés ? (Écoutez ! écoutez !) N’aurait-il pas accompli une œuvre plus glorieuse en mettant de l’huile sur ces blessures, maintenant à peu près guéries, au lieu de les rouvrir, en laissant à une autre génération le soin de réparer les maux accomplis par lui ? En lisant la lettre du duc, je laisse de côté l’objet de cette lettre, et j’arrive à la fin, lorsqu’il dit : « Je suis dans ma 77e année. » Et moi j’ajoute : Cela explique et cela excuse tout ! (Applaudissements.) Nous n’avons pas, au reste, à nous occuper du duc de Wellington ; nous avons à nous occuper de ces hommes plus jeunes qui se servent de son autorité pour faire réussir leurs