Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/267

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permission, bâtir une chaumière sans leur consentement ; ils foulent le sol anglais comme s’ils étaient les dieux qui l’ont tiré du néant, et ils veulent encore élever artificiellement le prix de leurs produits ! Maîtres du sol, ils veulent encore être les maîtres de l’industrie et s’adjuger une part jusque sur le pain du peuple ! Que leur faut-il donc pour les contenter ? Ils ont affranchi de toutes charges ces domaines acquis non par une honnête industrie, mais par l’épée, la rapine et la violence. Jadis ils avaient à soutenir l’Église et l’État, à lever les corps de troupes, quand il plaisait au roi de les requérir, pour la conquête, ou pour la défense nationale. Maintenant l’aristocratie a su convertir en sources d’émoluments les charges mêmes qui pesaient sur ses terres, et elle tire de l’armée, de l’église et de toutes nos institutions, des ressources pour ses enfants et ses créatures ; et cependant elle veut encore écraser l’industrie sous le poids d’un fardeau plus lourd qu’aucun de ceux qui pesèrent jamais sur ses domaines ! — Libre échange ! ce fut, il y a des siècles, le cri de Jean Tyler et de ses compagnons, que le fléau des monopoles avait poussés à l’insurrection. L’épée qui le frappa brille encore dans l’écusson de la corporation de Londres, comme pour nous avertir de fuir toute violence, nous qui avons embrassé la même cause et élevé le même cri : Libre échange ! (Applaudissements enthousiastes.) Libre échange, non pour l’Angleterre seulement, mais pour tout l’univers. (Acclamations.) Quoi ! ils trafiquent librement de la plume, de la parole et des suffrages électoraux, et nous ne pouvons pas échanger entre nous le fruit de nos sueurs ? Nous demandons que l’échange soit libre comme l’air, libre comme les vagues de l’Océan, libre comme les pensées qui naissent au cœur de l’homme ! (Applaudissements.) Ne prennent-ils pas aussi leur part, et la part du lion, dans la prospérité commerciale ? Qu’ont fait les machines, les bateaux à vapeur, les chemins de fer, pour le bien-être du peuple, qui n’ait servi aussi à élever la valeur du sol elle taux de la rente ? Leurs journaux font grand bruit depuis quelques jours de ce qu’ils appellent un « grand fait ». « Le froment, disent-ils, n’est pas plus cher aujourd’hui qu’en 1791, et comment le cultivateur pourrait-il soutenir la concurrence