Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de priviléges. (Applaudissements.) Spectateur désintéressé de ce grand mouvement, je me suis efforcé de le juger avec impartialité d’esprit, et de rechercher s’il portait en lui-même les éléments du succès. — J’ai vu naître des entreprises qui ne pouvaient réussir, et des projets placés sous le patronage de préjugés que le temps devait dissiper. — Mais, quant à cette grande agitation, j’aperçois clairement qu’il est dans sa nature de triompher, et je vous en dirai la raison. Je vois des changements dans mon pays, et l’histoire m’enseigne qu’il ne recule pas, mais qu’il avance ; qu’il ne se modifie pas dans un sens rétrograde, mais dans un sens progressif. Sans remonter bien loin, dans mon enfance on ne connaissait ni l’éclairage au gaz, ni les bateaux à vapeur, ni les chemins de fer, et maintenant le gaz illumine toutes nos rues, la vapeur parcourt toutes nos rivières, les rails sillonnent toutes les provinces de l’empire. (Applaudissements.) Dans mon enfance, un catholique romain, quelles que fussent sa bonne foi et ses lumières, ne pouvait entrer au Parlement, il n’en est pas de même aujourd’hui ; dans mon enfance, nul ne pouvait être chargé d’une fonction publique, s’il n’avait reçu les sacrements de l’Église établie, il n’en est pas de même aujourd’hui ; dans mon enfance, aucun Anglais, n’importent ses scrupules, ne pouvait être marié que par un ministre de cette église, il n’en est pas de même aujourd’hui. (Applaudissements.) De cette progression, qui n’est pas, si l’on veut, arithmétique ou géométrique, mais qui certes est une progression intellectuelle, politique et nationale, je tire cette conclusion, que non-seulement d’autres progrès nous attendent, mais qu’on en pourrait presque calculer la rapidité. Le temps passé étant donné, on pourrait presque dire ce que sera le temps qui le suit. En astronomie, des savants avaient remarqué dans le système solaire un mystère qui leur semblait inexplicable : ils avaient vu que les distances du soleil aux planètes étaient entre elles comme des nombres harmoniques, sauf qu’il y avait dans la série une lacune qui les confondait. À tel point du ciel, disaient-ils, il devrait y avoir une planète. — Et en effet, les astronomes modernes, armés de plus puissants télescopes, ont découvert à la place indiquée quatre petites planètes qui com-