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nées de l’empire. Il y a longtemps que les provinces agitent cette grande question ; elles en comprennent toute l’importance. C’est la condition la plus favorable à une prochaine solution ; car dans mon expérience, j’ai toujours reconnu que comme toute corruption descend de haut en bas, toute réforme procède de bas en haut. (Applaudissements.) L’agitation actuelle a commencé parmi de pauvres tisserands. Leurs sentiments furent d’abord méconnus, même par les manufacturiers, mais ils reconnaissent aujourd’hui que les pauvres tisserands avaient raison…

J’ai toujours combattu les lois-céréales au point de vue de la justice ; car je les considère comme injustes, inhumaines et impolitiques. Je dis qu’une loi qui protège une classe de la communauté aux dépens des autres classes est une loi injuste. Je ne conteste pas aux landlords le droit de disposer de leurs propriétés à leur plus grand avantage, et même d’exporter le blé s’ils le peuvent produire à meilleur marché qu’au dehors ; mais les landlords ont fait une loi qui dépouille l’ouvrier du droit de disposer du produit de son travail selon sa convenance ; et c’est pourquoi je dis qu’une telle loi ne saurait se maintenir, voyant qu’elle est si manifestement injuste. — La loi-céréale a encore le tort d’affecter les diverses classes de la société d’une manière fort inégale ; si elle ôte cinq pour cent au riche, elle arrache cinquante pour cent aux pauvres, et moi qui ne suis taxé qu’à cinq pour cent, je finis par oublier jusqu’au sens du mot justice. Ce qui fait que beaucoup d’hommes ne comprennent pas toute la signification de ce mot, c’est que l’intérêt personnel les aveugle. Je me rappelle qu’un gentleman, discutant au milieu d’un grand nombre de gens d’église, ne pouvait leur faire comprendre le sens d’un terme que je supposerai être ce mot justice. Il écrivit ce mot et demanda : Qu’est-ce que cela signifie ? Un des ministres s’écria : Justice. Le gentleman posa une guinée sur le mot et dit : Que voyez-vous maintenant ? et le ministre répondit : Rien, — car l’or lui interceptait la vue. (Rires.) — On dit que ces lois ont été faites, non pour l’avantage des landlords, mais pour celui des fermiers et des ouvriers des campagnes. Mais il n’est personne qui, après avoir observé les