Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/112

Cette page a été validée par deux contributeurs.

née cette politique de notre gouvernement, qui consiste à ne conférer des avantages au pays, qu’à la condition de décider les autres nations à en faire autant. Mais l’Angleterre ne devrait pas oublier la grande influence que ses lois et son exemple exercent sur le reste du monde. Il n’est pas possible à ce pays d’accroître ses importations sans accroître dans le même rapport ses exportations sous une forme ou sous une autre. Que ce soit en produits manufacturés, en denrées coloniales ou étrangères, ou en numéraire, il ne se peut pas que ces échanges n’augmentent l’emploi de la main-d’œuvre, et même, lorsque nous payons les marchandises étrangères en argent, cet argent représente le produit d’un travail national. Il est tellement impossible de prévenir les transactions internationales, lorsqu’elles sont avantageuses que, pendant la dernière guerre, lorsque les armées de Napoléon et les flottes de l’Angleterre étaient levées pour s’opposer à toutes communications entre les deux peuples, cependant, dans cette même année 1810, le Royaume-Uni importa plus de blé de France qu’il n’avait fait à aucune autre époque. D’un autre côté, c’est un fait historique que le prince de Talleyrand, chef du cabinet, non-seulement toléra la fraude des marchandises anglaises, mais encore la conseilla, l’encouragea, et même en tira un grand profit personnel ; en sorte que les Français étaient vêtus de draps anglais, comme les Anglais étaient nourris de blés français, témoignage remarquable de la faiblesse et de l’impuissance des gouvernements quand ils prétendent contrarier les grands intérêts des nations. (Applaudissements.)

On a récemment fait une proposition qui, je le crois, ne rencontrera pas beaucoup de sympathie dans cette enceinte. On a parlé d’organiser une émigration systématique (murmures), afin de se délivrer des embarras d’une excessive multiplication de nos frères. (Honte ! honte !) Je n’incrimine pas les intentions. Au bas du mémoire adressé à ce sujet à sir Robert Peel, j’ai vu figurer le nom de personnes que je sais être incapables de rien faire sciemment qui soit de nature à infliger un dommage, soit au pays, soit à une classe de nos concitoyens. Mais il s’agit ici d’une question qui veut être abordée avec prudence, d’une