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profonde. Ce ne sera pas cependant sans rendre hommage à une courte, mais substantielle allocution de M. Kœchlin, qui a relevé avec netteté les faits et les calculs erronés que le monopole invoquait à son aide. On y voit combien il faut se tenir en garde contre la statistique.

Ce n’est pas chose aisée que d’apprécier les paroles d’un premier ministre. Faut-il les juger en elles-mêmes, en se bornant à rechercher leur conformité avec la vérité abstraite ? Faut-il les apprécier au point de vue des opinions de l’orateur, manifestées par ses actes et ses discours antérieurs ? Ne peut-on point douter qu’elles soient l’expression, du moins complète, de sa pensée intime ? Est-il permis d’espérer qu’un chef de cabinet viendra exposer sa doctrine, comme un professeur, sans se soucier ni des exigences de l’opinion, ni des passions de la majorité, ni du retentissement de ses paroles, ni des craintes et des espérances qu’elles peuvent éveiller ?

Si encore M. Guizot était un de ces hommes, comme on peint le duc de Wellington, qui ne savent parler que tout juste assez pour dire ce qu’ils ont sur le cœur ! Mais on reconnaît qu’il possède au plus haut degré toutes les ressources oratoires, et qu’il excelle particulièrement dans l’art de mettre, non point les maximes en pratique, mais les pratiques en maximes, selon le mot qu’on attribue à M. Dupin.

Ce n’est donc qu’avec beaucoup de circonspection qu’on peut apprécier la portée et la pensée d’un tel discours ; et le meilleur moyen, c’est de se mettre à la place de l’orateur et de peser les circonstances dans lesquelles il a parlé.

Quelles sont ces circonstances ?

D’un côté, une grande nation qui passe pour habile en matière commerciale, au sein de laquelle les connaissances sont très-répandues, exige l’application du principe proclamé vrai d’ailleurs par tous les hommes, sans excep-