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Nous autres, Français, nous n’avons pas ce droit, ou nous devons l’acheter par une taxe, — taxe que nous payons à contre-cœur, car elle ne va pas au Trésor et n’est pas dépensée au profit de la communauté.

En tous temps, un prélèvement, par quelques particuliers, sur le prix de la viande, nous semble injuste. En ce moment, il nous paraît cruel.

Il faut que l’esprit de monopole soit bien enraciné chez nous pour résister, non plus seulement aux démonstrations de la science, mais au cri de la faim.

Quoi ! un ouvrier de Paris, à qui la nature a donné le besoin de manger et des bras pour travailler, ne pourra pas échanger son travail contre des aliments ?

Quoi ! si l’artisan français peut faire sortir de la viande de son marteau, de sa hache ou de sa navette, cela lui sera défendu !

Cela sera défendu à trente-cinq millions de Français, pour plaire à quelques éleveurs !

Ah ! plus que jamais nous persistons à réclamer la liberté de l’échange, qui implique la liberté et le bon choix du travail, non comme une bonne police seulement, mais comme un droit.

S’il plaît à la Providence de nous envoyer la famine, nous nous résignerons. Mais nous ne pouvons nous résigner à ce que la famine, dans une mesure quelconque, soit décrétée par la loi.

Nous défions qui que ce soit de nous prouver que l’ouvrier doive une redevance à l’éleveur, pas plus que l’éleveur à l’ouvrier.

Puisque la loi n’élève pas le taux du salaire, elle ne doit pas élever le taux de la viande.

On dit que cette mesure restrictive a pour objet de favoriser l’espèce particulière de travail national qui a pour objet la production de la viande. Mais si ce travail a pour