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ses moyens dans tous nos ports de l’Océan et de la Méditerranée. On n’aurait pas vu des grains devant être consommés à Bayonne aller se dénationaliser à Gênes et acquitter les droits à Cherbourg. On aurait fait des achats considérables dans la mer Noire, dans la Baltique, aux États-Unis, en temps opportun. Ces approvisionnements se seraient présentés, par arrivages successifs, dans chacun de nos ports et en proportion du besoin qui s’y serait manifesté. Les moyens de transport pour l’intérieur se seraient organisés avec ensemble. On n’aurait pas vu des masses énormes arriver le même jour, sans savoir comment se faire interner, mais soumises à une hâte fiévreuse par la crainte de quelque dérangement dans le jeu de notre échelle mobile. La hausse eût été moins brusque, moins sensible, moins effrayante, moins propre à frapper et à exalter les imaginations.

Il est permis de croire que l’ensemble des achats à l’étranger se fût fait à des prix moins élevés. Nous ne savons pas ce qui se passe dans les ports de la mer Noire ; mais nous serions bien trompés si des ordres considérables, plus ou moins imprévus, se manifestant subitement, n’y ont pas produit de la confusion et une hausse anormale des prix. Probablement ce qui est arrivé ici, pour le transport du point de débarquement au lieu de consommation, a dû se répéter là-bas pour le transport du lieu de production au port d’embarquement. Probablement les détenteurs de blés, les entrepreneurs de charrois, les capitaines de navires ont tiré parti de l’empressement convulsif que chacun mettait à parcourir vite, coûte que coûte, le cercle de la spéculation. Quand on peut être accueilli en France par une loi qui vous dit : la porte est close, — on ne regarde pas à quelques frais.

Si donc le grain fût arrivé successivement, depuis l’instant où le besoin s’est fait sentir, s’il eût coûté moins cher