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Nous en sommes pour payer plus cher les choses qui nous sont nécessaires, et votre ricochet est une déception. »

Donnez-vous alors beaucoup de mal pour expliquer et embrouiller le mécanisme du ricochet.

L’ouvrier pourra insister et vous dire :

« Puisque vous avez tant de confiance dans les ricochets, changeons de rôle. Ne protégez plus les produits, mais protégez les salaires. Fixez-les législativement à un taux élevé. Tous les prolétaires deviendront riches ; ils achèteront beaucoup de vos produits, et vous vous enrichirez par ricochet[1]. »

Nous faisons ainsi parler un ouvrier, pour vous montrer combien il est dangereux d’approfondir les questions. C’est ce que vous devez éviter avec soin. Heureusement, les ouvriers, travaillant matin et soir, n’ont guère le temps de réfléchir. Profitez-en ; parlez à leurs passions ; déclamez contre l’étranger, contre la concurrence, contre la liberté, contre le capital, afin de détourner leur attention du privilége.

Attaquez vertement, en toute occasion, les professeurs d’économie politique. S’il est un point sur lequel ils ne s’accordent pas, concluez qu’il faut repousser les choses sur lesquelles ils s’accordent.

Voici le syllogisme dont vous pourrez faire usage :

« Les économistes sont d’accord que les hommes doivent être égaux devant la loi ;

Mais ils ne sont pas d’accord sur la théorie de la rente ;

Donc ils ne sont pas d’accord sur tous les points ;

Donc il n’est pas certain qu’ils aient raison quand ils disent que les hommes doivent être égaux devant la loi ;

Donc il faut que les lois créent des priviléges pour nous aux dépens de nos concitoyens. »

  1. V. le pamphlet Spoliation et Loi, pages 1 à 15 du tome V. (Note de l’éditeur.)