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drait garder la liberté et jeter un quart de nos capitaux dans la rivière. Et c’est là ce qu’on appelle mettre notre pays à même de lutter à forces égales.

C’est bien pis encore si nous considérons l’industrie agricole ; et jamais il n’y eut mystification plus grande que celle qui nous fait voir, dans la restriction, un moyen de favoriser l’agriculture.

Vous savez, Messieurs, que les terres s’achètent d’autant plus cher qu’elles donnent plus de revenu. C’est encore là une généralité, et c’est précisément pourquoi c’est une vérité.

Cela posé, admettons que les restrictions imaginées par la Chambre du double vote aient réussi à maintenir, en France, le prix du blé à un taux un peu plus élevé, un franc, par exemple, en moyenne. Il est clair que si ces mesures n’ont pas eu ce résultat, elles ont été inefficaces et ont créé des entraves inutiles, ce dont nos adversaires ne conviennent pas. Pour les combattre, il faut raisonner dans leur hypothèse. Mettons donc que le blé, qui se serait vendu 19 francs sous un régime libre, s’est vendu 20 francs sous le système protecteur.

L’hectare de terre, qui produit dix hectolitres, a donc donné 10 francs de plus par an. Il peut donc se vendre 200 francs plus cher, à 5 p. 100, à supposer que ce soit le taux auquel les terres se vendent.

Ainsi, le propriétaire a été plus riche de 200 francs en capital, et la rente lui en a été servie par ceux qui mangent du pain, lesquels ont payé les dix hectolitres de blé au prix de 20 francs chaque au lieu de 19.

Quant à l’agriculture, elle n’a pas été le moins du monde encouragée. Qu’importe au fermier de vendre ce blé 19 francs, en payant 10 francs de moins, ou de le vendre 20 francs, en payant 10 francs de plus au propriétaire ? Il n’y a pas un centime de différence dans sa rémunération, et