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S’il était bien démontré, comme est démontré un théorème de géométrie, que tout progrès fait par un peuple dans une industrie, encore qu’il contrarie chez les autres peuples celui qui se livre à l’industrie similaire, n’en est pas moins favorable à l’ensemble de leurs intérêts, que deviendraient ces efforts dangereux vers la prépondérance, ces jalousies nationales, ces guerres de débouchés, etc., et par suite, ces armées permanentes, toutes choses qui sont certainement un reste de barbarie ?

L’orateur signale ici quelques questions d’une haute gravité qu’une discussion sur le libre-échange doit éclairer d’une vive lumière, entre autres ce problème fondamental de la science politique : Quelles doivent être les bornes de l’action gouvernementale ?

En appelant votre attention sur quelques-uns des graves problèmes que soulève la question du libre-échange, j’ai voulu vous montrer l’importance de cette question et l’importance de la science économique elle-même.

Depuis quelque temps, de nombreux écrivains se sont élevés contre l’économie politique et ont cru qu’il suffisait, pour la flétrir, d’altérer son nom. Ils l’ont appelée l’économisme. Messieurs, je ne pense pas qu’on ébranlerait les vérités démontrées par la géométrie, en l’appelant géométrisme.

On l’accuse de ne s’occuper que de richesse, et de trop abaisser ainsi l’esprit humain vers la terre. C’est surtout devant vous que je tiens à la laver de ce reproche, car vous êtes dans l’âge où il est de nature à faire une vive impression.

D’abord, quand il serait vrai que l’économie politique s’occupât exclusivement de la manière dont se forment et se distribuent les richesses, ce serait déjà une vaste science, si l’on veut prendre ce mot richesses, non dans le sens vulgaire, mais dans son acception scientifique. Dans le monde l’expression richesses implique l’idée du superflu. Scientifiquement, la richesse, c’est l’ensemble des services