Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/239

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il faut à l’homme, pour respirer, une certaine quantité d’air. Supposons qu’on parvienne à le frapper d’une taxe élevée : l’homme fera évidemment tous ses efforts pour continuer à avoir la quantité d’air sans laquelle il ne pourrait vivre ; il renoncera à ses outils, à ses vêtements et même à ses aliments, avant de renoncer à l’air ; et si l’on vient à diminuer cette odieuse taxe, ce n’est pas la consommation de l’air qui augmentera, mais celle des vêtements, des outils, des aliments[1].

Il nous semble donc que ceux de MM. les députés qui ont repoussé la réduction de l’impôt du sel, en se fondant sur ce que la consommation, malgré la taxe, est tout ce qu’elle peut être, ont, sans s’en douter, produit le plus fort argument qu’on puisse imaginer contre l’exagération de cet impôt. C’est comme s’ils avaient dit : « Le sel est une chose si indispensable à la vie, que, dans tous les rangs, dans toutes les classes, on en consomme toujours, et quel qu’en soit le prix, une quantité déterminée et invariable. Maintenez-le à un prix élevé, n’importe ; l’ouvrier se vêtira de haillons, il se passera de remèdes dans la maladie, il se privera de vin et même de pain plutôt que de renoncer à une portion quelconque du sel qui lui est nécessaire. Diminuez-en le prix, on verra l’ouvrier se mieux vêtir, se mieux nourrir, mais non consommer plus de sel. »

Il est donc impossible d’échapper à ce dilemme :

Ou la consommation du sel augmentera par suite de la réduction du prix ; en ce cas, le trésor n’aura point à subir la perte annoncée ;

Ou elle n’augmentera pas ; et alors, cela prouve que le

  1. L’accroissement de consommation, par ricochet, est infaillible ici et ne nuit à personne. Il en est tout autrement de ces effets vantés par l’école protectionniste, à l’égard desquels l’auteur a dit : Quand MM. les protectionnistes le voudront, ils me trouveront prêt à examiner le sophisme des ricochets. V. au tome V, la note 2 de la page 13 ; et de plus, au tome IV, les pages 176 à 182. (Note de l’éditeur.)