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depuis quelques mois, pour l’achat des céréales, est bien fait, ce nous semble, pour calmer les craintes de ceux qui s’imaginent qu’un pays peut être épuisé de métaux précieux par l’importation de marchandises étrangères[1].

Lorsque des circonstances malheureuses, comme la perte partielle de plusieurs récoltes successives, réduisent une nation à aller acheter à l’étranger d’immenses quantités de blé, par un commerce tout exceptionnel, pour lequel rien n’est préparé de longue main et qui par conséquent ne peut s’exécuter que par l’intervention du numéraire, nous ne nions point qu’il n’en résulte de grands embarras, de la gêne et même une crise financière pour le pays importateur.

Nous croyons même que la crise est d’autant plus violente que ce pays s’est plus appliqué à se suffire à lui-même par le régime protecteur ; car alors, il est obligé d’aller se pourvoir dans des contrées qui n’ont pas l’habitude de consommer de ses produits manufacturés, et les achats de blé doivent se faire, non en partie, mais en totalité, contre du numéraire.

Cependant, si l’on y regarde de près, on s’assurera que le vrai malheur n’est pas dans l’exportation de l’argent, mais dans la disette. La disette étant donnée, il est au contraire fort heureux que l’on puisse au moins, avec de l’argent, se procurer des moyens d’existence. (V. le n° 20.)

Quoi qu’il en soit, le résultat forcé d’une telle situation est que le numéraire devient fort rare et fort recherché dans le pays importateur, et au contraire fort abondant dans le pays exportateur. Il acquiert donc une très-forte tendance à revenir de celui-ci vers celui-là, et remarquez qu’il n’y peut revenir que contre des produits.

Cela posé, examinons l’enchaînement de cette opération si diversement commentée par la presse.

  1. Sur la fonction du numéraire, voyez le pamphlet Maudit argent ! tome V, page 64. (Note de l’éditeur.)