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la propriété elle-même. Ce n’est pas posséder que de ne pouvoir troquer ce qu’on possède. L’Atelier le dit en ces termes :

« Ce que nous prétendons, c’est que la liberté veut et la possession individuelle et la concurrence. Il est absolument impossible de sacrifier ces deux conditions de la liberté sans sacrifier la liberté même. »

Il est vrai que l’Atelier ajoute :

« Mais est-il possible de limiter les droits de la propriété ? Est-il quelque institution qui puisse ôter à la propriété les facultés abusives qu’elle a aujourd’hui ? Nous le croyons, nous sommes certains de cette possibilité, comme aussi nous sommes convaincus que la concurrence peut être disciplinée et ramenée à des termes tels qu’elle ait beaucoup plus le caractère de l’émulation que celui de la lutte. »

Dans ce cercle, il nous semble que l’Atelier et le Libre-Échange ne sont pas loin de s’entendre, et que ce qui les divise, c’est plutôt des questions d’application que des questions de principe.

Nous croyons devoir soumettre à ce journal les réflexions suivantes :

On peut abuser de tout et même des meilleures choses, de la propriété, de la liberté, de la philanthropie, de la charité, de la religion, de la presse, de la parole.

Nous croyons que le gouvernement ou la force collective est institué principalement, et presque exclusivement, pour prévenir et réprimer les abus.

Nous disons presque exclusivement, parce que c’est du moins là sa tâche principale, et il la remplirait d’autant mieux, sans doute, qu’il serait débarrassé d’une foule d’autres attributions, lesquelles peuvent être abandonnées à l’activité privée.

Quand nous parlons de propriété, de liberté, nous n’en voulons pas plus que l’Atelier les abus, et comme lui nous reconnaissons en principe à la force collective le droit et le devoir de les prévenir et de les réprimer.