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disent qu’ils se feront tous tuer plutôt que d’obéir à la loi nouvelle. On dit aussi qu’ils ont payé quelques hommes pour crier les vivas et les mueras d’usage, mais le peuple ne s’est pas plus ému que ne s’en émouvraient les paysans de Mugron ; et l’ayuntamiento n’a réussi qu’à démontrer de plus en plus la nécessité de la loi. Car enfin, ne serait-ce point un bien triste spectacle que de voir une ville troublée et la sûreté des citoyens compromise par ceux-là mêmes qui sont chargés de maintenir l’ordre ?

On m’a assuré que les exaltés n’étaient pas d’accord entre eux ; les plus avancés (je ne sais pas pourquoi on a donné du crédit à cette expression en s’accordant à l’adopter) disaient :

« Il est absurde de faire un mouvement qui n’ait pas de résultat. Un mouvement ne peut être décisif qu’autant que le peuple s’en mêle ; or le peuple ne veut pas intervenir pour des idées ; il faut donc lui montrer le pillage en perspective. »

Et malgré cette terrible logique, l’ayuntamiento n’a pas reculé devant la première provocation ! Du reste, je te parle là de bruits publics, car, quant à moi, j’étais à la Bibliothèque royale, et je ne me suis aperçu de rien.

Lisbonne, le 24 octobre 1840.

Mon cher Félix, voilà bien longtemps que je ne t’ai écrit. C’est que nous sommes si éloignés et qu’il faut si longtemps pour avoir une réponse de Mugron, que je ne suis jamais sûr de la recevoir ici. Enfin me voilà à peu près décidé, et sauf circonstances imprévues, à dire adieu à la Péninsule de lundi en huit. Mon intention est d’aller à Londres ; je ne puis, selon le conseil que tu me transmets, de la part de ma tante, aller d’abord à Plymouth. Le steamboat va directement à Londres. J’avais d’abord pensé à m’embarquer pour Liverpool. Je satisferais ainsi à l’économie et à mon goût