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l’assolement que je me propose d’adopter fera tout son effet. Mais je me trouve fort heureux de ma situation, car si je n’avais pas de quoi vivre et au delà de mon petit bien, il me serait impossible de faire une pareille entreprise ; tandis que, pouvant au besoin sacrifier la rente de mon bien, rien ne m’empêche de me livrer à mes goûts. — Je lis des livres d’agriculture, rien n’égale la beauté de cette carrière, elle réunit tout : mais elle exige des connaissances auxquelles je suis étranger : l’histoire naturelle, la chimie, la minéralogie, les mathématiques et bien d’autres.

Adieu, mon cher Félix, réussis et reviens.


Bayonne, le 4 août 1830.

Mon cher Félix, l’ivresse de la joie m’empêche de tenir la plume. Ce n’est pas ici une révolution d’esclaves, se livrant à plus d’excès, s’il est possible, que leurs oppresseurs ; ce sont des hommes éclairés, riches, prudents, qui sacrifient leurs intérêts et leur vie pour acquérir l’ordre et sa compagne inséparable, la liberté. Qu’on vienne nous dire après cela que les richesses énervent le courage, que les lumières mènent à la désorganisation, etc., etc. Je voudrais que tu visses Bayonne. Des jeunes gens font tous les services dans l’ordre le plus parfait, ils reçoivent et expédient les courriers, montent la garde, sont à la fois autorités communales, administratives et militaires. Tous se mêlent, bourgeois, magistrats, avocats, militaires. C’est un spectacle admirable pour qui sait le voir ; et je n’eusse été qu’à demi de la secte écossaise[1], j’en serais doublement aujourd’hui.

Un gouvernement provisoire est établi à Paris, ce sont

  1. Dans la pensée de Bastiat, l’économie politique et la politique étaient inséparables. Il rattache ici les idées libérales aux enseignements de l’illustre professeur à l’université de Glasgow, Adam Smith. (Note de l’éditeur.)