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Eh bien, je suppose que l’on introduise dans la loi qui organise ces conseils une disposition conçue en ces termes :

« Si une mesure proposée par le préfet est repoussée, il sera destitué. Celui des membres du conseil qui aura soulevé l’opposition, sera nommé préfet à sa place, et il pourra distribuer à ses compagnons de fortune toutes les grandes places du département : recette générale, direction des contributions directes et indirectes, etc. »

Je vous le demande, n’est-il pas probable, n’est-il pas même certain que cet article changerait complétement l’esprit du conseil ? N’est-il pas certain que cette salle, où règnent aujourd’hui l’indépendance et l’impartialité, serait convertie en une arène de brigues et de factions ? N’est-il pas à croire que l’ambition y serait fomentée en proportion de l’aliment qui lui serait offert ? Et quelque bonne opinion que vous ayez de la vertu des conseillers, pensez-vous qu’elle ne succomberait pas à cette épreuve ? Ne serait-il pas en tous cas bien imprudent de tenter cette dangereuse expérience ? Peut-on douter que chacune de vos propositions ne devînt le champ de bataille d’une lutte de personnes ? qu’on ne les étudierait plus dans leur rapport avec le bien public, mais au seul point de vue des chances qu’elles pourraient ouvrir aux partis ? Et maintenant, admettez qu’il y a dans le département des journaux. Certes, les armées belligérantes ne manqueront pas de les attacher à leur sort, et toute leur polémique s’empreindra des passions qui agiteront le conseil. Et quand viendra le jour de l’élection, la corruption et l’intrigue, surexcitées par l’ardeur de l’attaque et de la défense, ne connaîtraient plus de bornes.

— « J’avoue, me dit M. le Préfet, que sous un tel état de choses, je ne voudrais pas garder mes fonctions, même vingt-quatre heures. »

Eh bien, monsieur, cette constitution fictive des conseils généraux qui effrayait un préfet, n’est-ce point la constitu-