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trait. Nous leur disons avec la sagesse des siècles et ce sens si commun qu’il est presque de l’instinct : — « C’est donner la vie à des malheureux, c’est se rendre malheureux soi-même que de se charger imprudemment ou prématurément d’une famille qu’on n’a pas encore les moyens d’élever. » Nous ajoutons : « Si ces actes individuels d’imprévoyance sont trop multipliés, la société a plus d’enfants qu’elle n’en peut nourrir : elle souffre car l’homme n’est pas seulement soumis à la loi de la responsabilité, mais encore à celle de la solidarité ; et c’est pour cela que les économistes s’attachent à exposer toutes les conséquences fatales de la multiplication désordonnée des êtres humains, afin que l’opinion intervienne avec son action toute-puissante, car ils croient sincèrement que, contre ce terrible phénomène, la société n’a que cette alternative, la prévoyance ou la souffrance.

Mais vous, monsieur, vous lui apportez un expédient. Vous ne pensez pas qu’elle doit prévoir pour ne pas souffrir, et vous ne voulez pas qu’elle souffre pour n’avoir pas prévu. Vous dites : « Que l’État adopte les enfants trop nombreux. »

Voilà certes qui est bientôt décrété. Mais avec quoi, s’il vous plaît, les entretiendra-t-il ? Sans doute avec des aliments, des vêtements, des produits prélevés sur la masse sous forme d’impôts, car l’État, que je sache, n’a pas de ressources à lui, indépendantes du travail national. — Ainsi la grande loi de la responsabilité sera éludée. Ceux qui, dans des vues personnelles peut-être, mais parfaitement conformes à l’intérêt public, se seront conduits d’après les règles de la prudence, de l’honnêteté et de la raison, se seront abstenus ou auront retardé le moment de s’entourer d’une famille, se verront contraints de nourrir les enfants de ceux qui se seront abandonnés à la brutalité de leurs instincts. — Mais le mal sera-t-il guéri au moins ? Bien au contraire, il s’aggravera sans cesse, car en même temps