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Comme vous le dites, il y a deux écoles en économie politique. Permettez-moi de les caractériser, afin d’apprécier ensuite l’amère critique que, par une inexplicable contradiction, vous faites de celle dont en définitive vous adoptez le principe, et les emphatiques éloges que vous décernez, par une autre contradiction non moins inexplicable, à celle dont vous repoussez les vaines et subversives théories.

La première procède d’une manière scientifique. Elle constate, étudie, groupe et classe les faits et les phénomènes, elle cherche leurs rapports de cause à effet ; et de l’ensemble de ses observations, elle déduit les lois générales et providentielles selon lesquelles les hommes prospèrent ou dépérissent. Elle pense que l’action de la science, en tant que science, sur l’espèce humaine, se borne à exposer et divulguer ces lois, afin que chacun sache la récompense qui est attachée à leur observation et la peine dont leur violation est suivie, elle s’en rapporte au cœur humain pour le reste, sachant bien qu’il aspire invinciblement à l’une et a pour l’autre un éloignement inévitable ; et parce que ce double mobile, le désir du bien, l’horreur du mal, est la plus puissante des forces qui ramènent l’homme sous l’empire des lois sociales, elle repousse comme un fléau l’intervention de forces arbitraires qui tendent à altérer la juste distribution naturelle des plaisirs et des peines. De là ce fameux axiome : « Laissez faire, laissez passer, » contre lequel vous manifestez tant d’indignation, — qui n’est cependant que la périphrase servile du mot liberté, que vous inscrivez sur votre bannière comme le principe de votre doctrine.

L’autre école, ou plutôt l’autre méthode, qui a enfanté et devait enfanter des sectes innombrables, procède par l’imagination. La société n’est pas pour elle un sujet d’observations, mais une matière à expériences ; elle n’est pas un corps vivant dont il s’agit d’étudier les organes, mais une