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restrictif, concentrerait toute sa vitalité dans les limites de ses frontières, il n’est pas douteux qu’en cas de guerre le premier ne fût plus vulnérable que le second. Et qui sait si le sentiment confus de cette différence de situation ne nous inspirera pas la funeste pensée de faire rétrograder vers la barbarie notre système d’agression et de défense ? S’il est une chose qui puisse consoler les âmes chrétiennes et généreuses des obstacles que rencontre l’établissement parmi les hommes de la paix universelle, c’est assurément la tendance, qu’on peut remarquer dans la guerre moderne, à restreindre ses fléaux sur les armées et tout au plus sur les nations prises en corps collectif. Sans doute le sang humain coule encore, des peuples ont été soumis à des tributs et quelquefois morcelés ; mais la propriété privée est en général respectée, on laisse aux hommes de travail le fruit de leurs sueurs et leurs moyens d’existence ; on a vu des armées passer et repasser, tantôt vaincues, tantôt victorieuses, sur le théâtre de ces luttes sanglantes, sans que le sort des habitants paisibles fût complétement bouleversé. Le même progrès tend à se réaliser sur mer : « La France légitime, dit M. de Chateaubriand, conservera éternellement la gloire d’avoir interdit l’armement en course, d’avoir la première rétabli, sur mer, ce droit de propriété respecté dans toutes les guerres sur terre par les nations civilisées, et dont la violation, dans le droit maritime, est un reste de la piraterie des temps barbares. » (Mélanges politiques, tome XXV, page 375.)

Mais n’est-il pas à craindre qu’une puissance belligérante qui n’aurait plus de commerce ne refusât d’accéder à une stipulation qui, sans pouvoir lui profiter, amoindrirait ses moyens d’agression ! La guerre à la propriété privée, aux matelots, aux passagers de tout âge et de tout sexe, semble donc être encore une des déplorables nécessités du régime prohibitif. N’avons-nous pas vu dernièrement, dans