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D’un autre côté, une telle mesure n’est-elle pas le germe du contrat colonial, de ce contrat que j’ai nommé à monopole réciproque, honte et fardeau des peuples modernes, si inférieurs à cet égard aux nations antiques ? Nous nous réservons le monopole en Algérie ; c’est fort bien. Mais qu’aurons-nous à répondre aux colons, quand ils demanderont, par réciprocité, à exercer un semblable monopole chez nous ? Manquaient-ils déjà de raisons spécieuses à faire valoir, et fallait-il leur en fournir d’irrécusables ? Le jour n’est pas éloigné où ils nous diront : Vous nous forcez à acheter vos tissus ; achetez donc nos laines, nos soies, nos cotons. Vous ne voulez pas que vos produits rencontrent chez nous de concurrence ; éloignez donc la concurrence qui attend les nôtres sur vos marchés. Ne sommes-nous pas Français ? N’avons-nous pas autant de droits que les planteurs des Antilles à une juste réciprocité ? Nous payons les capitaux à 10 pour 100 ; nous travaillons d’un bras et combattons de l’autre : comment pourrions-nous lutter contre des concurrences prospères et paisibles ? Prohibez donc les cotons des États-Unis, les soies d’Italie, les laines d’Espagne, si vous ne voulez étouffer dans son berceau une colonie arrosée de tant de sueurs, de tant de sang et de tant de larmes. — En vérité, j’ignore ce que la métropole aura à répondre. Sans cette malencontreuse ordonnance, nous aurions résisté à de telles exigences sans blesser la justice ni l’équité.

Vous êtes libres, dirions-nous aux colons, de porter ou de ne pas porter vos capitaux en Afrique ; c’est à vous de calculer les chances relatives de leur placement au delà ou en deçà de la Méditerranée. Libres d’acheter et de vendre selon vos convenances, vous êtes sans droit pour réclamer de notre part l’aliénation d’une semblable liberté.

Aujourd’hui de telles paroles ne seraient que mensonge et dérision.

Mais qu’ai-je besoin de prévoir l’avenir ? Il est si vrai que