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core réduite à se priver de pain et de vin, il faut en conclure qu’autant cette classe dépasse la moyenne de 54 fr., autant les classes laborieuses sont éloignées de l’atteindre.

C’est ainsi que s’explique la dépopulation que constatent les dénombrements et les actes de l’état civil.

Ce lamentable phénomène se lie à une révolution agricole qui s’opère sous nos yeux et qu’on n’a pas assez remarquée.

La superficie des métairies s’était naturellement proportionnée à ce qui était nécessaire, pour que la part colone pût faire vivre une famille de cultivateurs.

Lorsque, par suite de la dépréciation des produits, cette part est devenue insuffisante, le métayer est tombé à la charge du propriétaire ; et celui-ci s’est vu dans l’alternative ou de laisser le domaine sans culture ou de prendre sur sa propre part, déjà réduite, de quoi suppléer à celle du colon.

Dès ce moment, l’aliment du métayer a été pesé, mesuré, restreint au strict nécessaire. De plus, une tendance prononcée s’est manifestée vers l’agrandissement des métairies, ici des réunions se sont opérées ; là on a arraché des vignes pour agrandir les labourables. Tous ces expédients ont un résultat et même un but commun : diminuer le nombre d’hommes, rétablir l’équilibre entre la population et les subsistances.

Si cette évolution, avec les conséquences qu’elle entraîne, avait pour cause quelque cataclysme physique, il faudrait gémir et baisser la tête. Mais il n’en est pas ainsi ; la Providence ne nous a pas retiré ses dons, le ciel de la Chalosse n’est pas devenu d’airain, le soleil et la rosée n’ont pas cessé de la féconder. Pourquoi donc ne peut-elle plus nourrir ses habitants ?

Il ne faut pas aller bien loin pour en trouver la raison. C’est qu’ils ont été dépouillés de la liberté d’échanger, la