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beaucoup. C’est alors, dirai-je, qu’une répartition vicieuse et injuste, même pour des temps meilleurs, devient intolérable et monstrueuse.

Les faits que j’ai établis sont incontestables. Mais je ne doute pas qu’on n’essaie d’ébranler la conclusion en niant ce principe, que la population varie comme les moyens d’existence. « Nous n’acquiesçons pas, pourra-t-on dire, à cette doctrine de Malthus. Dans la région des pins, nous sommes plus nombreux qu’autrefois, sans doute ; mais il ne s’ensuit pas que le revenu de nos forêts ait augmenté. Seulement il se partage entre un plus grand nombre de personnes. »

Je me garderai bien de me livrer ici à de longues dissertations sur le principe de la population. Je sais qu’il soulève des questions qui sont encore controversées. Mais quant au principe lui-même, quant à cet axiome que l’augmentation de la population est l’effet, la preuve et le signe d’un accroissement correspondant de moyens d’existence ou de revenus, je n’ai pas connaissance qu’il ait jamais été mis en doute par aucun publiciste de quelque valeur ; et je crois ne pouvoir mieux faire que de placer ma démonstration sous l’autorité d’un grand nombre d’écrivains, qui s’accordent tous sur ce point, quelle que soit d’ailleurs la divergence de leurs opinions et de leurs systèmes.

« Quel est le signe le plus certain que les hommes se conservent et prospèrent ? C’est leur nombre et leur population. » (Rousseau, Contrat social, chap. ix.)

« Partout où il se trouve une place où deux personnes peuvent vivre commodément, il se fait un mariage. La nature y porte assez quand elle n’est pas arrêtée par la difficulté de la subsistance. » (Montesquieu, Esprit des Lois, liv. XXIII, chap. x.)

« À côté d’un pain il naît un homme. » (Buffon, Histoire naturelle.)