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d’opérations sont nécessaires. Avant l’intervention de tout travail humain, les véritables matières premières de ce produit sont l’air, l’eau, la chaleur, la lumière, le gaz, les sels qui doivent entrer dans sa composition. Un premier travail convertit ces substances en fourrages, un second en laine, un troisième en fil, un quatrième en vêtement. Qui osera dire que tout n’est pas travail dans cette œuvre, depuis le premier coup de charrue qui la commence, jusqu’au dernier coup d’aiguille qui la termine ?

Et parce que, pour plus de célérité, dans l’accomplissement de l’œuvre définitive, le vêtement, les travaux se sont répartis entre plusieurs classes d’industrieux, vous voulez, par une distinction arbitraire, que l’ordre de succession de ces travaux soit la raison de leur importance, en sorte que le premier ne mérite pas même le nom de travail, et que le dernier, travail par excellence, soit seul digne des faveurs du monopole ? Je ne crois pas qu’on puisse pousser plus loin l’esprit de système et de partialité.

L’agriculteur, dira-t-on, n’a pas comme le fabricant tout exécuté par lui-même ; la nature l’a aidé ; et s’il y a du travail, tout n’est pas travail dans le blé.

Mais tout est travail dans sa valeur, répéterai-je. Je veux que la nature ait concouru à la formation matérielle du grain ; je veux que cette formation soit exclusivement son ouvrage ; mais convenez que je l’y ai contrainte par mon travail, et quand je vous vends du blé, ce n’est point le travail de la nature que je me fais payer, mais le mien.

Et, à ce compte, les objets fabriqués ne seraient pas non plus des produits du travail. Le manufacturier ne se fait-il pas seconder aussi par la nature ? Ne s’empare-t-il pas, à l’aide de la machine à vapeur, du poids de l’atmosphère, comme à l’aide de la charrue je m’empare de son humidité ? A-t-il créé les lois de la gravitation, de la transmission des forces, de l’affinité ?