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maladie qui viennent tout interrompre, les menées électorales, la froideur ou l’hostilité soldée de la presse, les calomnies qui vont l’assaillir jusque dans ses foyers. On lui écrit de Mugron « qu’on n’ose plus parler de lui qu’en famille, tant l’esprit public y est monté contre leur entreprise… » Hélas ! qu’étaient devenus les lectures avec l’ami Coudroy et les bons mots gascons du petit cercle !

Nous n’avons pas à apprécier ici le mérite ou les fautes des tentatives libre-échangistes de 1846-1847. Personne ne peut dire ce que fût devenu ce mouvement, s’il n’eût été brusquement arrêté par la révolution de 1848. Depuis ce moment-là, l’idée a fait à petit bruit son chemin dans l’opinion qu’elle a de plus en plus pénétrée. Et quand est arrivé le Traité avec l’Angleterre, il a trouvé le terrain débarrassé des fausses théories, et les esprits tout prêts pour la pratique. Cette initiation, il faut le dire, manquait totalement alors : aussi, à l’exception de quelques villes de grand commerce, l’agitation ne s’est guère exercée que dans un milieu restreint d’écrivains et de journalistes. Les populations vinicoles, si nombreuses en France et si directement intéressées à la liberté des échanges, ne s’en sont même pas occupées. Bastiat, du reste, ne s’est jamais abusé sur le succès immédiat ; il ne voyait ni les masses préparées, ni même les instigateurs du mouvement assez solidement ancrés sur les principes. Il comptait « sur l’agitation même pour éclairer ceux qui la faisaient. » Il déclarait à Cobden qu’il aimait mieux « l’esprit du libre-échange que le libre-échange lui-même. » Et c’est pour cela que tout en se plaignant un peu d’être « garrotté dans une spécialité, » il avait toujours soin, en réalité, d’élargir les discussions spéciales, de les rattacher aux grands principes, d’accoutumer