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pour vous en parler. Vous les apprenez avant moi ; et au moment où j’écris, peut-être les faits sur lesquels je pourrais raisonner sont-ils de l’histoire ancienne. Si le gouvernement déchu nous avait laissé les finances en bon ordre, j’aurais une foi entière dans l’avenir de la République. Malheureusement le trésor public est écrasé, et je sais assez l’histoire de notre première révolution pour connaître l’influence du délabrement des finances sur les événements. Une mesure urgente entraîne une mesure arbitraire ; et c’est là surtout que la fatalité exerce son empire. Maintenant, le peuple est admirable ; et vous seriez surpris de voir comme le suffrage universel fonctionne bien dès son début. Mais qu’arrivera-t-il quand les impôts, au lieu d’être diminués, seront aggravés, quand l’ouvrage manquera, quand aux plus brillantes espérances succéderont d’amères réalités ? J’avais aperçu une planche de salut, sur laquelle il est vrai je ne comptais guère, car elle supposait de la sagesse et de la prudence dans les rois ; c’était le désarmement simultané de l’Europe. Alors les finances eussent été partout rétablies, les peuples soulagés et rattachés à l’ordre ; l’industrie se serait développée, le travail eût abondé et les peuples eussent attendu avec calme le développement progressif des institutions. Les monarques ont préféré jouer leur va-tout, ou plutôt ils n’ont pas su lire dans le présent et dans l’avenir. Ils pressent un ressort, sans comprendre qu’à mesure que leur force s’épuise celle du ressort augmente.

Supposez qu’ils aient partout désarmé et dégrévé d’autant les impôts, en outre accordé aux nations des institutions d’ailleurs inévitables. La France obérée se fût hâtée d’en faire autant, trop heureuse de pouvoir fonder la République sur la solide base du soulagement réel des souffrances populaires. Le calme et le progrès se fussent donné la main. — Mais le contraire est arrivé. Partout on arme,