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aura produit. De mon côté je te dirai celui que va produire ma Ligue : la lira-t-on ? J’en doute. On est ici accablé de lecture. Si je te disais que, sauf Dunoyer et Say, aucun de mes collaborateurs n’a lu Comte ! Tu sais déjà que *** n’a pas lu Malthus. À dîner, Tracy a dit que la misère de l’Irlande infirmait la doctrine de Malthus !! J’ai entendu dire à quelqu’un qu’il y avait du bon dans le Traité de législation, et surtout dans le Traité de la propriété. Pauvre Comte ! Say m’a conté sa triste histoire, la persécution et sa probité l’ont tué.

Il est bien entendu que tu ne souffleras pas un mot de ce que je te dis sur la direction du journal. Tu sens que cette nouvelle ferait un éclat inopportun.

Je crois t’avoir dit que l’éditeur de la Ligue va éditer aussi les Sophismes. Ce sera un petit livre à bon marché, mais le titre n’en est pas attrayant. J’en cherche un autre ; aide-moi. Le petit livre de Mathieu de Dombasle était intitulé : Un rayon de bon sens, etc.

Comme je ne pourrai pas épuiser tous les sophismes en un petit volume, s’il se vend, j’en ferai un autre. Il serait bon que, de ton côté, tu en traitasses quelques-uns ; je les intercalerais avec les miens, cela te ferait connaître au moins de mes confrères, et tu pourrais alors, si le cœur t’en disait, te faire éditer sans bourse délier, ce qui n’est pas une petite affaire.

Adieu, mon cher Félix, écris-moi.

Paris, le 3 juillet 1845 (11 heures du soir).

… Comme toi, mon cher Félix, j’envisage l’avenir avec effroi. Laisser ma tante, me séparer de ceux que j’aime, te laisser à Mugron seul, sans ami, sans livres, cela est affreux. Et, pour moi-même, je ne sais si des travaux solitaires, médités à loisir, discutés avec toi, ne vaudraient