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LE VICOMTE DE LAUNAY.

Vous l’avez vu, n’est-ce pas, ce vieillard infirme qui promène dans Paris sa misère équestre ? deux enfants lui servent de guide ; il dit d’une voix lamentable : « La charité, monsieur ! je ne peux marcher. » Alors, vous qui êtes sur le trottoir, vous vous avancez dans le ruisseau pour donner à ce brave homme de quoi nourrir lui et sa monture, et tout le monde vous regarde ; car cela est fort étrange de voir un piéton faire l’aumône à un cavalier : il reçoit du haut de sa grandeur votre offrande ; il vous remercie d’un air protecteur, malgré lui, et s’en va plus loin implorer une autre âme sensible, éclabousser un autre bienfaiteur. Ce pauvre nous intéresse fort, nous lui souhaitons bonne chance ; nous lui conseillons même de faire des commissions : avec son cheval il peut aller vite, et ce serait un bon état pour lui ; cela vaudrait bien mieux que de faire de la musique, comme un de ses confrères, qui se promène en tilbury en jouant de l’orgue de Barbarie ; les commissions sont mieux payées que les chansons. On dit que c’est un très-bel état que celui de commissionnaire à Paris ! Il serait meilleur encore si on pouvait faire ses courses à cheval ! Mais non, le mendiant perdrait de son caractère poétique. Ô civilisation ! que tu as fait faire de progrès ! On parle des anciens : que sont-ils auprès de nous ? Bélisaire n’avait qu’un ami, Homère n’avait qu’un bâton. Un jour on dira : Quel grand peuple c’était que ces fameux Français ! leurs singes étaient vêtus comme des hommes, et leurs mendiants se promenaient à cheval !

À propos de cheval, mais ce n’est plus du tout le même genre d’équitation, nous l’avons vu, ce fameux manège dont nous vous parlions l’autre jour… — Eh bien ? — Oh ! c’est vraiment admirable ! c’est un monument, c’est une ville tout entière. On pourrait rester six mois là dedans sans sortir un seul jour, et l’on n’y aurait pas une heure d’ennui ; on y trouve tout ce qu’il faut pour mener l’existence la plus agréable. On s’y promène à cheval, dans un manège immense, dont le dôme est si élevé, dont l’écho est si sonore, qu’on n’y entre qu’avec respect, qu’on y parle bas : on dirait une église sablée. Une élégante galerie donne sur le manège. Cette galerie se compose de plusieurs salons bien chauffés et meu-