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ZOÉ, OU LA MÉTAMORPHOSE.

à travers les flammes, emporta son petit frère dans ses bras, et son émotion fut telle, qu’elle ne s’étonna pas de voir sa chatte pendue à la sonnette.

Les domestiques ne furent pas si indifférents : ils éteignirent d’abord le feu en toute hâte ; puis, quand le danger fut passé, que le pauvre enfant fut rassuré, ils firent de grandes exclamations sur la manière extraordinaire, prodigieuse, inimaginable, dont il avait été sauvé.

— C’était à la chatte, disaient-ils, qu’on devait de le voir encore en vie ; sans elle, il était étouffé. Avec quelle intelligence elle avait reconnu ce péril ! quelle adresse étonnante il lui avait fallu pour s’emparer de la sonnette, et quelle idée merveilleuse lui avait fait s’en emparer !… Cette chatte, ajoutaient-ils, a de l’esprit comme un singe !

Dans leur enthousiasme, ils ne s’offensaient point du tout d’être accourus et d’avoir obéi au commandement d’un chat qui s’était permis de les sonner. Ce qui prouve qu’à force d’esprit, un petit personnage finit par commander à plus grand que lui, sans que nul orgueil s’en étonne.

Églantine, entendant tous ces éloges, voulut remercier sa bonne chatte, à qui elle devait la vie de son frère ; mais Zoé, qui se rappelait le ressentiment de sa maîtresse, n’osait plus s’approcher d’elle ; et dès que Frédéric avait été hors de danger, elle avait regrimpé sur le toit.

Cependant elle n’y resta pas longtemps, car on l’appelait de tous côtés. — Zoé ! disait Églantine d’une voix douce et bienveillante ; et Zoé descendit de la gouttière, ce qui fut très-prudent, comme vous allez voir.

Elle entra timidement dans la chambre de sa maîtresse. — Te voilà enfin ! dit celle-ci en souriant ; mais la chatte alla se cacher sous une table.

— Je ne suis plus fâchée contre toi, ma belle petite chatte, reprit Églantine. Si tu as égratigné l’œil de Frédéric l’autre jour, ce soir tu l’as empêché d’être brûlé ; tu as bien réparé ta faute ; viens donc ici, ne te cache plus.

Mais Zoé ne bougeait pas de sa retraite : elle attendait, elle espérait ce mot merveilleux et magique qu’elle s’ingéniait depuis si longtemps à faire prononcer à sa maîtresse.