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point l’écriture de M. de Lusigny ; mais son cœur lui disait que cette lettre était de lui : le cœur a des instincts infaillibles ! Elle rompit le cachet avec une vive émotion, et lut ce qui suit :

« Madame,

« Nous devons, demain soir, chez moi, tirer une petite loterie en faveur d’une famille malheureuse à laquelle je m’intéresse. Vous seriez bien aimable de venir, etc.

 » Baronne de Marville. »

Léontine, désappointée, jeta l’invitation loin d’elle avec impatience ; puis elle se dit :

« C’est trop tôt ; il n’enverra pas chez moi avant midi… »

À midi, on lui apporta une autre lettre ; l’écriture de l’adresse était superbe ; le billet était un peu grand pour un billet doux ; cependant, si, comme le pensait Léontine, quelque accident était arrivé à M. de Lusigny, cette lettre pouvait avoir été dictée par lui à un chirurgien, à un secrétaire, à un ami ou même à un domestique. Cette supposition ajoutait encore à son inquiétude.

Elle prit donc avec une émotion toujours croissante cette lettre, qui commençait ainsi :

« Madame,

« L’immense succès qu’obtiennent dans le monde aristocratique mes sous-jupes en crino-zéphyr, m’encourage, etc.

Signé : « Oudinot-Lutel. »

Cette fois, malgré son dépit, Léontinè ne put s’empêcher de rire, mais elle n’en trouva pas moins que le silence de M. de Lusigny était inexplicable.

— Sans doute il viendra lui-même se justifier, pensa-t-elle.

Et elle se mit à sa toilette.

Comme sa femme de chambre était occupée à tresser ses beaux cheveux, on frappa à la porte.

— Qu’est-ce ?

— C’est une lettre qu’on a laissée chez le portier, et dont on viendra chercher la réponse dans un quart d’heure.