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MARGUERITE

fatale, on aurait pu croire que le bonheur suivrait cette union d’un jour, funèbre fantaisie, dernière fête d’une jeune mourante.

Le prêtre dit la messe. On voulut aider Marguerite à se lever ; mais elle était forte et brave, elle se leva seule et elle se remit à genoux sans avoir besoin du secours de personne. Quand Robert passa à son doigt l’anneau de mariage… il frissonna… la main de Marguerite était glacée. Il s’approcha d’elle avec inquiétude, et elle le rassura par un regard plein de tendresse et de joie… mais cette joie n’était déjà plus de ce monde.

La cérémonie terminée, elle inclina la tête sur le prie-Dieu et voulut se recueillir. Robert, pensant que de rester si longtemps à genoux était une trop grande fatigue pour elle, lui prit la main et voulut l’aider à se relever ; mais Marguerite resta immobile comme la statue de la Prière… Robert, alarmé, la saisit dans ses bras… Elle était morte… morte en priant pour lui.

On trouva son testament, qu’elle avait écrit en secret la nuit précédente, avec l’aide d’une des femmes qui la gardaient. Elle nommait M. de la Fresnaye tuteur de son fils. Dans quelques lignes adressées à sa mère, elle lui expliquait sa conduite et lui peignait ses tourments. L’histoire de ses chagrins et de son bonheur si triste se terminait par cet aveu :

« J’ai bien combattu, mais je n’ai pu vaincre ces deux puissances rivales. Deux amours de nature différente se sont, malgré moi, partagé mon cœur : à l’un je n’ai pu résister, à l’autre je ne puis survivre ! »