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OU DEUX AMOURS

l’avait accueillie dans la contrée ; mais vous avez dû la voir aussi à la Villeberthier ?

— Eh ! certainement, dit Étienne, c’est ce qui m’amuse tant… elle nous a dit cette même phrase.

— C’est excellent !… à vous aussi !… C’est bien la trentième fois… et on accuse cette femme-là de faire des phrases… quelle injustice ! La malheureuse n’en fait qu’une et elle la fait servir longtemps.

Ils regardèrent tous deux Marguerite pour voir si elle riait. Ils restèrent saisis d’étonnement : l’émotion de madame de Meuilles avait été plus forte qu’elle, son visage était baigné de larmes. Elle pleurait malgré elle, elle pleurait de leur courage, elle pleurait de leur gaieté.

— Ah bien ! si vous pleurez, ce n’est pas la peine !… s’écria Étienne avec amertume. Ce mot trahissait sa pensée.

— J’ai mal aux nerfs, dit Marguerite d’une voix très-douce et avec un sourire charmant qui demandait pardon pour ses larmes.

— Nous allons vous laisser vous reposer, dit M. de la Fresnaye.

Ce nous amical, qui joignait deux ennemis, était étrange.

Marguerite était contrariée de l’idée qu’ils allaient partir ensemble ; elle craignait que cette comédie de bienveillance ne se changeât en une explication querelleuse quand elle ne serait plus là. Que faire ? Elle ne pouvait éloigner l’un et retenir l’autre ; il fallait se confier à eux et tout espérer de leur respect pour elle.

— Bonsoir, madame, dit M. de la Fresnaye ; j’enverrai savoir demain de vos nouvelles, mais à une heure convenable ; je ne ferai pas comme madame de Branne, qui envoie à minuit chez les malades ; elle réveille toute la maison et cause un trouble affreux. Cependant, l’autre jour, pour un de mes amis, cette rumeur a produit un très-bon effet ; elle a amené une crise qui l’a sauvé ! Aussi il prétend qu’il doit la vie à madame de Branne.

— Quelle folie ! dit Marguerite.

— Bonsoir, ma cousine, dit Étienne. Si demain vous souffrez encore, faites venir votre médecin, sérieusement.