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OU DEUX AMOURS

défendue pour les autres. Or les autres étant venus, ayant vu la voiture de M. de la Fresnaye dans la cour et ayant été renvoyés, avaient raconté la chose par la ville et avaient publié partout que madame de Meuilles s’enfermait tous les jours, de trois à six heures, avec M. de la Fresnaye. Ces propos, joints à ceux que faisait tenir le départ de la duchesse de Bellegarde, établirent une intimité patente entre Marguerite et Robert, et l’on crut leur faire beaucoup d’honneur en supposant que cette intimité se terminerait par un mariage.

Mais comment arranger ce projet de mariage avec les assiduités de M. d’Arzac ? « On lui donne son congé homéopathiquement, disait-on : on attend qu’il comprenne. »

Hélas ! Étienne n’avait que trop bien compris ; mais on ne voulait pas lui donner son congé, et Marguerite était pour lui si charmante et si dévouée, que malgré lui il conservait de l’espoir.

Éclairée par sa folle jalousie, madame de Meuilles s’était avoué enfin qu’elle aimait M. de la Fresnaye ; seulement, comme il fallait qu’elle parcourût tous les degrés de l’illusion, elle croyait sincèrement guérir de cet amour et revenir à Étienne, qu’elle préférait. Étrange situation !… sa passion involontaire l’entraînait vers Robert, mais Étienne était le choix de son cœur ; c’est Étienne qu’il lui plaisait d’aimer. Toutes ses émotions violentes appartenaient, malgré elle, à M. de la Fresnaye ; mais toutes ses pensées d’avenir douces et habituelles étaient à M. d’Arzac ; c’est près de lui qu’elle rêvait de se retirer loin du monde, loin de ce monde dangereux où elle avait rencontré Robert ; et elle attendait la fin de son amour avec confiance et certitude, comme on attend le vingt et unième jour d’une fièvre maligne, pour entrer en convalescence. Quelquefois elle en voulait un peu à Étienne de se décourager ainsi par délicatesse, et de ne pas l’aider à chasser plus vite le souvenir importun de Robert.

Étienne n’avait plus qu’une chance ; elle était belle, il la connaissait et il la ménageait avec intelligence. Les deux grands avantages que Robert avait sur lui, c’était d’être un remords et d’être un inconnu. De là venait le trouble que causait toujours sa présence et qui lui donnait tant de charme. Eh bien ! en ayant l’air d’accepter la rivalité et en laissant à Mar-